Chapitre 2 :
Georgia
«… Pourtant, si cet individu en veut à ma vertu, le mieux serait de lui laisser penser que je ne suis pas déjà en train de réfléchir à la meilleure manière de sauter par la fenêtre qui jouxte mon lit.
– Je vous aide à vous rhabiller pour pouvoir quitter cette auberge sans que tous ses occupants ne puissent constater comme moi que vous n’avez rien d’un garçon.
– Croyez-moi, ils le savent déjà. J’ai grandi ici ! En revanche, puisque vous semblez attacher quelque considération à la bienséance, je préférerais qu’ils ne me découvrent pas dans cette chambre avec un individu aussi peu recommandable que vous, et à demi vêtu en plus ! Gardez vos vêtements, je me débrouillerai pour récupérer mon cheval et rentrer.
Le grand brun qui s’apprêtait visiblement à passer sa chemise par-dessus sa tête s’interrompt et me détaille avec intérêt. Mais pas le même intérêt que tout à l’heure.
– Parce que vous êtes coutumière de ce genre d’extravagances ?
– Appelez ça comme bon vous semble, votre jugement m’importe peu. Et encore une fois, ce genre d’extravagances vous a sauvé la vie, rétorqué-je en me relevant, les pans de ma redingote serrée entre ma main gauche crispée.
Cette fois, l’homme me toise, visiblement amusé.
– Vous ne m’avez pas sauvé la vie, chérie. Je me serais très bien débrouillé sans vous, dommage que vous n’ayez pas pris le temps de le vérifier. Et il conviendrait peut-être à l’avenir d’éviter de confondre bravoure et stupidité manifeste, surtout lorsque l’on se bat avec des jouets pour enfants.
S’il y a une chose que je ne supporte pas, c’est bien que l’on fasse injure à mon intelligence. Ma réplique ne se fait pas attendre tandis que je me dirige vers la porte de la chambre auprès de laquelle il se tient toujours.
– Croyez que votre avis m’importe peu et que je vous trouve bien arrogant et vaniteux de penser que vous puissiez vous ériger en arbitre des capacités du cerveau de vos contemporains.
Un rire bas échappe à l’homme dont les yeux bleus pétillent pour la première fois en m’observant.
– Vous ne vous arrêtez jamais, petite furie… N’est-ce pas ? Cela tombe bien, moi non plus…
Et comme s’il n’avait rien entendu de ce que je viens de lui demander, il passe sa chemise d’un geste fluide par-dessus sa chevelure sombre. ...»
Chapitre 4 :
Julian
«… Un rire dépourvu de joie s’élève dans mon dos.
– Sans vous, Monsieur, il n’y aurait pas eu de mauvais pas !
Cette fois-ci, je cesse de jouer et me raidis. Que veut-elle dire par là ?
– J’avoue avoir quelque peu du mal à vous suivre. En quoi serais-je responsable de l’agression dont vous venez d’être la victime ?
J’entends ses pas résolus qui se rapprochent de moi et décide que je peux me retourner. Elle me fait face en effet, les yeux étincelant de colère dans sa tenue de garçon.
– Cela fait des semaines que je lutte contre les tentatives de ma marâtre de me voir mariée. Jusqu’à présent, j’y parvenais encore et je ne désespérais pas de pouvoir échapper au mariage et conserver une liberté intellectuelle relativement inespérée pour une fille. Mais depuis que ma présence inconvenante dans une chambre de l’auberge locale avec un homme plus âgé que moi et qui n’était ni médecin ni abbé est arrivée à ses oreilles au bal auquel elle assistait à Londres, il semblerait que mon déshonneur soit si grand que je ne puisse plus me permettre de lui résister.
Ses yeux brillent de colère, mais je vois bien à la façon qu’elle a de contracter les muscles de sa mâchoire qu’elle est dévastée par son impuissance. Qui peut bien être cette fille qui s’habille comme un valet de ferme, mais dont la belle-mère fréquente les bals londoniens ? ...»
Une nouvelle romance de Charlie Lazlo dans un tout autre registre, puisque c'est un roman historique. La couverture est simple, un léger manque de «libertinage», le résumé est intrigant et séducteur.
Depuis son retour de l'Amérique d'où il est rentré d'une mission pour George III, Julian se cache pour fuir la saison londonienne où les mères sont bien décidées à trouver un époux à leurs filles. La date fatidique de ses trente ans arrivent, et selon le testament de son frère aîné, il doit être marié sinon il perd une grande partie de ses biens.
La belle-mère de Georgia veut la marier au vicomte de Beshington-and-Twickham pour pouvoir introduire ensuite sa propre fille dans la haute société. Cet homme est un goujat violent. Georgia ne veut pas perdre sa liberté intellectuelle, sa liberté tout court et elle même prête à fuir aux Amériques pour travailler.
Georgia de Chester-Coldfield, 20 ans, est une Lady, une jeune femme qui inspire à ses recherches avec une grande soif de connaissances, indépendance et de liberté. Lorsque son père est mort, elle s'est retrouvée avec comme tutrice sa belle-mère. C'est une jeune femme à l'esprit ouvert, brillante, atypique, cultivé, téméraire, passionné et franche.
Julian Langley, 30 ans est le duc de Kingsberry, mais aussi un aventurier libertin, séducteur de ses dames. Il a perdu ses parents jeunes, les a très peu connu car il était avec des domestiques puis placé dans des pensionnats. Il est libre, se moque de ce que l'on pense de lui, très secret, arrogant parfois, taquin et moqueur à d'autre.
La narration est à la première personne, le point de vue varie entre Julian et Georgia.
L’intrigue est menée avec simplicité et légèreté, j'ai beaucoup apprécié ce côté. Georgia est perdue, son inconnu peut la sauver, elle lui laisse carte blanche. Une affirmation devant témoin, est la voilà fiancée à Julian Langley, duc de Kingberry, filleul de Sa Majesté le roi George. Julian fait une proposition à Georgia, tiendra-t-il ses promesses ? Julian a trouvé une femme parfaite, mais sera-t-il ne pas lui succomber ?
La plume est fluide malgré à certain moment du début où quelques longueurs dans la narration se laissent ressentir, l'histoire se met en place. L'auteure joue avec la sensualité des mots, le double sens à merveille. Elle entrecoupe son roman de missives, relatant certains faits mais aussi ressentiments. Les répliques peuvent être piquantes et les échanges sensuels. Le rythme est accentué sur les révélations, les rebondissements et l'évolution du jeune couple, c'est prenant et accaparant tout en restant dans la simplicité. Les pages filent très vites, en quelques heures vous êtes à la dernière.
Les émotions sont passionnantes et convaincantes. Julian est un homme plein de contradictions. Il joue l'homme froid pour garder Georgia à distance, une déception, un abandon, de la frustration, voire même de l'humiliation affectent tout particulièrement Georgia, qui se révèle être une forte tête, une combattante qui remonte vite sur le ring, tentatrice, séductrice. «Un prêté pour un rendu». Le lecteur suit leur jeu, ainsi que celui des personnages secondaires entre manigances et mensonges. Les relations intimes sont sensuelles et très sages, la tension sexuelle monte en intensité au fil des pages.
Une épouse parfaite, une tentatrice, un mari séducteur, une indépendance,... Une belle romance avec un fond réussi, une intrigue légère mais très accaparante et addictive, de l'humour, de charmantes scènes sensuelles et de idées attrayantes. Un bel ensemble, une lecture tout en simplicité malgré le contexte libertin de ce siècle en arrière fond. À découvrir !
Je remercie les Éditions Addictives et Carole pour cette lecture !
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